Donc, à midi, rendez-vous avec Rachel, en qui je plaçais (naïvement) tous mes espoirs parce que cette sympathique jeune femme était la seule à répondre à mes mails depuis quelques semaines. J’enchaînais les rendez-vous un peu partout depuis 4 heures et il faut croire que mon cerveau était un peu congelé …
Donc elle m’emmène visiter une maison en me prévenant qu’elle est au-dessus de notre budget mais absolument géniale, blablabla, que trois colocs hôtesses de l’air ont déjà fait une offre mais que je peux quand même tenter car la propriétaire préférerait une famille, blablabla.
Ravie de me réchauffer un peu dans la voiture et absorbée par une sympathique discussion, je ne prête pas tellement attention au quartier. Après tout, je lui avais bien précisé dans quelle zone je cherchais. (Erreur de débutante).
Là, coup de foudre : la maison est effectivement adorable, spacieuse, dans un état impeccable, accueillante, avec un joli jardin/patio, une grande pièce, une cuisine lumineuse et trois grandes chambres, tout nickel. Je suis surexcitée, j’appelle Antoine pour lui dire que j’ai trouvé la perle rare, qu’il peut me faire confiance et que ça vaut le coup de payer un loyer plus élevé que ce que nous avions prévu. Pour achever de me convaincre, Rachel me fait visiter un appartement minuscule, sans jardin, dans un quartier loin de tout, mais moins cher, comme pour me montrer « voilà le misérable bouge que vous auriez si vous restez dans votre budget ». Je le regarde à peine, je suis amoureuse de la maison de Bedford Road. Nous parlons des écoles, qui selon elle sont fabuleuses blablabla, le quartier super sympa, très proche d’Ealing Broadway (métro, gare et centre commerçant). Je fais remarquer que la rue est un peu tristounette mais elle m’assure que c’est une rue très « desirable » et que vraiment, je ne trouverai rien de tel, c’est presque du vol à ce prix là… Pour enfoncer le clou, elle n’hésite pas à me dire que le marché de la location est complètement fou en ce moment, qu’elle a 40 (quarante !) candidatures pour un appart. Mon moral glisse progressivement dans mes chaussettes, je ne pense même pas à me demander pourquoi elle me consacre autant de temps si elle croule à ce point sous les clients.
De retour au bureau, je suis trop heureuse de faire une offre de 150 £ (par mois) au-dessus de notre budget, en espérant être acceptée par la propriétaire. Tout le monde me regarde avec une sorte de gentillesse apitoyée en me disant que j’ai très peu de chance mais qu’ils feront le maximum pour moi blablabla. Petit détail, la propriétaire est en Australie et donc elle dort déjà, je n’aurai pas de réponse avant demain.
Je ressors en me rendant compte que je me suis engagée à louer cette maison si la propriétaire accepte notre offre et que je leur ai donné mon numéro de carte bleue pour le « deposit » qui sert à valider mon offre mais tout cela sans avoir la moindre garantie. Bref, je dois continuer mes recherches. Sens du devoir mal placé ou étrange lubie, au lieu d’aller me réchauffer dans un pub, je décide de traverser Ealing à pied pour mon prochain rendez-vous.
Je passe devant Lammas Park
et je commence à me détendre un peu, en me disant que nous avons bien choisi notre quartier, très vert. Ma petite promenade est interrompue par le harcèlement téléphonique des deux autres agents précédents qui veulent que nous nous décidions tout de suite. Ils croulent sous les offres, bien évidemment mais ils veulent bien faire un effort pour nous, si nous nous engageons sur 3 ans blablabla. Il faut que je me décide dans moins d’une heure. J’espère que la visite suivante, d’une jolie petite maison dans notre budget, sera décisive.
Je dis maison mais en fait c’est le quart inférieur gauche de la maison, avec un jardin derrière.
J’ai le temps de m’abriter dans un café, dont le propriétaire, un Irakien, est d’une telle gentillesse que je me mets presque à pleurer. Je lui raconte mes malheurs et il m’explique que les agents immobiliers mettent la pression parce que rien ne se loue en ce moment. Il me prépare un bon petit repas et un thé avec plein de feuilles de menthe, sauf qu’il est l’heure de repartir si je ne veux pas rater mon rendez-vous. OK, je reviendrai après.
Je ressors donc dans le froid sans avoir mangé ni bu, ça fait 6 h que je marche, je suis dans une sorte de transe. Au bout de vingt minutes que j’attends dehors, à moitié congelée, j’appelle l’agence, oups Deborah m’a oubliée, bref, j’ai le temps de repasser chez mon ami irakien pour me réconforter avec du thé et des falafels avant qu’elle arrive.
Deborah est accompagnée d’une autre personne qui ne se présente pas (collègue ou autre candidate locataire ?) et toutes deux se lancent dans un concours d’exclamations : « Oh, tu vois, je t’avais dit que c’était trop joli, », « Oh, c’est le genre de maison qu’on a envie d’acheter » ! « Oh, regarde-moi ce carrelage, ces vitraux sur la porte »… C’est vrai que cette petite maisonnette a un charme fou. Je me monte la tête toute seule et oubliant que j’ai déjà fait un dépôt de garantie dans une agence et promis à une autre de rappeler dans quelques minutes, je pète les plombs : oui, j’adore, je veux la prendre, en plus elle est dans notre budget. C’est seulement après un coup de téléphone à Antoine qui se méfie de mon emportement que je réalise un petit détail : il n’y a pas de chambre pour nous. La deuxième chambre est tellement petite qu’on peut juste y mettre un lit une place. Mais j’étais tellement aveuglée par les petits vitraux sur la porte (un peu comme dans Charmed pour ceux qui connaissent !), le carrelage trop joli et le quartier sympa que j’ai complètement occulté le fait que cet appartement est tout en longueur, sans doute difficile à chauffer, froid et humide en hiver et très mal fichu. le pire c’est que je ne peux même pas accuser l’agent immobilier, je me suis mis la pression toute seule, ça doit être contagieux.
Il est temps de décompresser, je vais au pub d’en face, non sans avoir pris rendez-vous pour le visiter ce soir avec Antoine.
Là, la tête comme une pastèque, je change tous mes rendez-vous, j’en rajoute, j’en annule, j’appelle mes parents, j’explose mon forfait, je suis au bord de la crise d’hystérie. J’essaie de me concentrer sur l’interview d’Anne Hathaway dans Elle pour me vider l’esprit.
Vient ensuite une visite très zen, dans un appartement très agréable, avec une jeune négociatrice qui n’essaie pas de faire amie amie avec moi. Malgré les -2 °C, elle est en petit gilet, legging et ballerines, qui mettent certes en valeur sa silhouette d’1m80, 50 kg mais qui ne doivent guère la réchauffer. A part ça, l’appartement correspond à nos critères, jardin, parking, quartier super, grandes chambres… Seul problème, une chambre (la nôtre) est en sous-sol, sans fenêtre. Mais elle est grande.
J’hésite, il faut qu’Antoine le voie.
Me voilà repartie dans le froid, maintenant il fait nuit. Pour abréger un peu le marathon, voilà ce qui s’est passé ensuite : visites avec Antoine des deux apparts retenus, encore du baratin d’un côté et une attitude très zen (normal, le propriétaire est Japonais) de l’autre. Pendant ce temps là, les autres agents me rappellent, mais j’ai progressé, je leur réponds d’un air désolé que je ne suis plus très intéressée (ce qui ne m’empêchera pas de les rappeler plus tard et de découvrir que les apparts sont toujours dsponibles).
Après quoi nous nous rendons dans le quartier où j’ai visité la superbe maison pour la montrer à Antoine. Et là, sans baratin pour nous distraire, nous nous rendons compte que c’est très très loin du centre, (d’autant plus qu’il fait nuit et super froid) que le quartier est sordide, loin des transports en communs, à part une gare complètement déprimante du genre, si tu prends le train là tous les jours, tu finis bientôt couché sur les rails. Bref, énième coup de stress (sans compter que j’ai dû marcher 10 km et qu’il fait maintenant – 5°C), il va falloir essayer de se désengager de cet appart, car nous allons aussi découvrir en nous renseignant un peu plus tard que les écoles du quartier ont une réputation épouvantable ! Je me sens vraiment roulée dans la farine par cette Rachel et l’agence en général, elle n’a pas seulement embelli la réalité, elle m’a menti sans aucun scrupule. Décidément je suis beaucoup trop naïve !
Le lendemain, coups de téléphone dans tous les sens, en vrac, négociation sur le loyer de « l’appart japonais » tout en visitant une école, messages sans réponse à Rachel qui ne semble plus joignable depuis qu’elle a encaissé mon deposit, mini-scandale au téléphone quand mon interlocutrice m’explique qu’elle n’a pas pu joindre la propriétaire australienne et ne peut donc pas me rendre réponse mais pas non plus me rembourser (!!!) ;Je me demande où sont passées les hôtesses de l’air et les 39 autres candidats par appart ! devant cette mauvaise foi, j’appelle ma banque pour demander si je peux faire opposition, sur ce, plus de batterie, j’essaie dans une cabine, ça défile à toute allure, plus de monnaie, aaargh, mini crise de nerfs, retour à l’agence pour taper un mini-scandale devant d’autres clients…
Mais tout est bien qui finit bien, nous avons récupéré nos sous, trouvé un appart avec un proprio zen (pas négligeable) et j’ai appris à être un peu moins naïve… (EDIT : en fait non, je me suis fait arnaquer deux jours après par le garagiste parce que son père était à l’hôpital blablabla)
PS Le lendemain la plupart des agences me rappelaient pour me dire « You are very lucky, the flat is still available blablabla »…