Comme je parle souvent du système scolaire anglais sur ce blog, j’ai eu envie d’approfondir le sujet en recueillant le témoignage d’autres familles françaises qui ont fait le choix comme nous de mettre leur enfant en école publique anglaise.

Séverine est orthophoniste, Claire R, éducatrice, et Claire B, professeur des écoles. Leur avis m’intéressait d’autant plus que leur métier les amène naturellement à réfléchir au système éducatif. Merci à elles de m’avoir livré leurs témoignages !
Une précision : je ne prétends pas juger le système éducatif anglais par rapport au français (je n’ai ni le recul ni les connaissances suffisantes), juste donner quelques éléments de réflexion aux familles qui viennent s’installer à Londres et hésitent entre école française (payante, autour de 500 £ par mois) et l’école publique anglaise.
J’ai fait récemment la connaissance d’une famille française qui vient de retirer ses enfants de l’école française, estimant que les enfants n’y pratiquaient pas suffisamment l’anglais. Tout dépend en effet de l’optique dans laquelle on est en venant à Londres : est-ce qu’on cherche à rendre ses enfants bilingues ou est-ce qu’on pense déjà au retour en France, avec éventuellement cette crainte de ne plus « rentrer dans le moule » au retour ?
Depuis combien de temps vivez-vous en Angleterre ?
Claire R : Nous sommes arrivés à Londres au mois de juillet 2010, avec nos enfants scolarisés aujourd’hui en Year 2/CE1 et nursery.
Séverine : Depuis un an et demi. C’est ma deuxième année scolaire. [Les enfants sont en Year 2, 3 et 5.]
Claire B : Depuis 4 ans.
Le choix de l’école publique anglaise a-t-il été évident ?
Claire B : Je ne connaissais rien au système anglais en arrivant, j’ai inscrit mes enfants en juillet pour la rentrée de septembre, à l’école la plus près de chez moi, comme je l’aurais fait en France ! Le public s’est imposé de lui même !
Claire R : C’est un choix qui s’est imposé de lui-même car nos enfants étaient jeunes (3 et 6 ans) et pouvaient s’adapter facilement à une nouvelle école. Ayant travaillé dans une école anglaise pendant mes études, j’avais été impressionnée par l’assurance à l’oral des petits élèves et leurs rapports aux adultes.
Séverine : Pour les plus jeunes oui, pour l’aînée qui entrait en CM1 (Year 5) nous avons hésité… mais l’expérience de personnes autour de nous et l’envie de lui offrir un vrai bain anglais nous a décidés, sachant aussi qu’elle n’avait jusque là pas de difficultés scolaires.
Comment s’est passée l’immersion de vos enfants francophones en école anglaise ?
Claire B : De mon expérience de prof des écoles à Paris, ayant eu souvent dans mes classes des enfants non francophones, je savais que les enfants (petits) s’adaptent parfaitement bien et apprennent la langue en un temps record ; ce sont toujours les parents les plus stressés. C’est donc complètement confiante que j’ai inscrit mon fils dans une école publique anglaise (et j’ai bien fait).
Mon fils a intégré la nursery à 4 ans ; il y est entré fin septembre, en décembre il parlait très très bien anglais; si bien qu’il est entré en Reception (équivalent de la Grande Section). A la nursery, on lui a appris un rudiment de langage des signes pour qu’il puisse quand même se faire comprendre et éviter la frustration. Il n’y a eu aucun incident. Il a toujours paru très content d’aller à l’école. En tant que parents nous avons été très bien accueillis dans l’école également.
Séverine : Je garde un fort souvenir (émouvant !) de leur 1er jour, avec ce sentiment de véritablement les lâcher dans une cage aux fauves, ou de les plonger dans un océan sans qu’elles ne sachent nager ! Les premières semaines sont un peu dures, mais je n’ai pas eu de grosse crise ou de refus d’aller à l’école, les enfants étant quand même très vite pris en charge en petits groupes. A Noël elles étaient plus à l’aise mais toutefois nous reprochaient de s’être entendu dire « vous serez bilingues à Noël » car ce n’était pas le cas. Février-mars je dirais, a été la charnière tant au niveau de la langue que de l’intégration à l’école.
Qu’aimez-vous particulièrement dans le système anglais ?
Claire R : La pédagogie est au coeur de l’enseignement, peu importe le sujet traité, les enfants se passionnent pour tout car tout est enseigné avec beaucoup de manipulations, d’expérimentations. Souvent les enfants procèdent par hypothèses avant d’avoir accès aux connaissances. Une pédagogie très active même dans une classe de 30.
La place donnée à l’écrit : très tôt les enfants s’expriment, rédigent des lettres, des affiches, incarnent des personnages. Au primaire, on accorde encore une grande place à l’imaginaire et à aux émotions. Les enfants respectent des « golden rules » et les prennent au sérieux. Je trouve que les valeurs morales y sont plus renforcées qu’en France. Et bien sûr les encouragements, compliments sont très nombreux. Le côté très positif du travail de l’enfant est LA grosse différence pour moi. On insiste sur ce que l’enfant fait de bien !
L’esprit de communauté est aussi une grande découverte, on gagne des challenges par équipes (orthographe, maths… etc. ) et l’assembly, ce temps de regroupement collectif hebdomadaire (interclasses parfois). Sans parler de tous les évènements sociaux organisés pour les enfants et les parents !
Claire B : Dans le système anglais il y a beaucoup plus d’adultes dans les classes, les enfants travaillent par groupes de niveaux et ont chacun leurs propres objectifs.
Séverine : L’absence de courses aux fournitures à la fin de l’été ! Et plus sérieusement la façon dont les enfants sont encouragés, pris en charge quel que soit leur niveau d’anglais en arrivant ; la place faite à la musique et au chant (coup de coeur pour les Christmas Carols).

Qu’aimeriez-vous y changer ?
Séverine : Ce serait bien que les parents aient un peu plus de visibilité sur ce que font les enfants à l’école, les méthodes utilisées, les notions étudiées… à part ce qu’en rapportent les enfants eux-mêmes c’est un peu la grande inconnue.
Et puis un peu plus de rigueur parfois… pour l’écriture notamment (je suis une basique maman française qui ne trouve pas toujours que tout est wonderful !!)
Mon grain de sel : [En effet je constate moi aussi que les enfants risquent de se reposer sur leurs lauriers quand on leur dit « Well done » même pour un travail un peu bâclé… C’est le revers de la médaille.]
Claire B : Je ne veux rien y changer car mes enfants y sont heureux ; lorsque je suis invitée à certaines « assemblées » je suis admirative du travail effectué ; les enfants sont très valorisés.
Claire : Je n’ai pas d’idées de changement, peut-être par manque de recul, nous terminons seulement la deuxième année.
Comment envisagez-vous la suite, notamment pour le collège ?
Claire B : Pour la suite… je ne sais pas. J’aurais bien aimé un établissement bilingue pour le collège mais le coût est trop important.
Claire R : Nous n’avons pas de projets à long terme, le souci pour nous étant que notre fille suive en même temps que l’école anglaise une scolarisation partielle en français par le CNED. Certains parents changent de système en cours de primaire pour rebasculer en école française, à cause du double cursus devenu trop lourd.
Séverine : Pas comme je l’avais imaginé il y a 2 ans ! Nous avions en tête qu’elle rejoindrait le lycée français, il se trouve que ce n’est plus possible en venant du système anglais (trop de monde)… et finalement on est plutôt contents qu’elle poursuive dans un collège anglais ! Contents surtout d’avoir eu une place dans celui qu’on voulait, car – en restant dans les gratuits* – tous les collèges sont loin de se valoir, tant sur le plan du niveau que de la fréquentation. Cette solution nous convient aussi car a priori c’est dans une optique de retour en France d’ici 1 ou 2 ans… je ne suis pas sûre que j’envisagerais toute la scolarité en système anglais. Enfin à voir dans 5 ans, on sera peut-être toujours là et plus anglais que jamais ?!!
*en effet il existe aussi de bons collèges privés, qui vous coûteront la modique somme de 20 000 £ à 40 000 £ par an…
Une remarque sur les devoirs à la maison ?
Claire B : Ah les devoirs c’est une fois par semaine, deux photocopies assez ludiques; le rêve, quoi !
Séverine : Un bon point je trouve pour l’école anglaise : peu de devoirs, surtout de la lecture qui est encouragée, quelques petites choses le week-end, des recherches parfois pour les vacances. En primaire c’est largement suffisant.
Claire : Avec ceux du français, aucune envie d’en avoir plus ! Notre fille revient avec un classeur de devoirs le jeudi, à faire pour le lundi suivant. Quelques mots à apprendre et des mathématiques souvent sous forme très ludique. Et un « carnet » de lecture qui voyage entre la maison et l’école pour accompagner les livres à lire à la maison, empruntés à la bibliothèque de la classe. La lecture quotidienne est vraiment encouragée. Les parents sont invités à le remplir à la maison (difficultés en lecture, commentaires de l’enfant sur l’histoire…).
De bonnes idées dont on pourrait s’inspirer en France ?
Séverine : Question difficile, c’est tout un esprit qui est différent, moins académique, moins scolaire… en même temps notre langue française est plus contraignante au niveau des apprentissages de base donc je ne suis pas sûre que tout soit transposable. La notion de groupe de niveau, si décriée chez nous au nom de l’égalité, me paraît intéressante. Les assemblées d’école régulières, pour faire passer des infos, communiquer entre les classes, faire vivre un esprit d’école…
Claire B : On a de bonnes idées en France, souvent les mêmes mais pas assez de moyens !
Claire R : Pas de cartable lourd, juste une pochette avec les livres qui circulent entre la maison et l’école. Tout le reste est à l’école.
Mon grain de sel : les récompenses (Writer of the week, étoiles, stickers et autres « diplômes ») me semblent extrêmement motivantes pour les enfants.
Comment faites-vous travailler le français à vos enfants ?
Séverine : Je leur fais le CNED à la maison, à partir du CE1 ou CE2 (+ apprentissage de la lecture française en parallèle avec la year 1) : le peu de devoirs en primaire le permet assez facilement… on verra en collège, ce sera peut-être plus dur ! Le moins évident est de se plier à un planning précis pour rendre des devoirs, terminer l’année à temps si besoin d’une attestation. Mes filles lisent beaucoup en français, je me dis que c’est toujours ça de gagné aussi !
Claire B : Je fais travailler mon fils de sept ans une petite demi heure le week end avec une méthode de grammaire ludique. Sinon j’essaye d’échanger des livres en français avec des parents qui ont des enfants du même âge; lire le français c’est apprendre aussi à l’écrire.
Claire R : Deux fois une séance d’1h30 par semaine, plus les devoirs, et seulement en français pour l’instant…). Une association est accueillie dans les locaux de l’école anglaise et les enfants sont plutôt contents de se retrouver, environ 8 par niveaux. A partir du CE2, ce sera deux fois 3h. Donc pas d’activité extra-scolaire ces jours-là et les devoirs à faire le week-end, les copies à envoyer au CNED, fichiers audios à enregistrer. Comment font les parents de plusieurs enfants scolarisés dans les deux systèmes ?
Une dernière remarque à ajouter ?
Claire B : J’aime bien que les écoliers soient en uniforme.
Claire : J’aimerais pouvoir voir les différences des écoles primaires d’un quartier à un autre. Comme en France, les écoles dépendent du quartier environnant, mais la motivation du chef d’établissement y est beaucoup plus marquée dans le sens où il recrute lui-même ses enseignants: il a le pouvoir d’un chef d’entreprise et son école reçoit des notes rendues publiques, après l’inspection du fameux organisme OFSTED. Un moyen d’avoir des personnes motivées qui choisissent leurs postes et leurs régions ?
Séverine : Aucun regret sur le choix de l’école anglaise ! Et une ouverture culturelle et sociale qui j’espère les enrichit pour l’avenir.
Contents quand même de connaître un réseau d’amis français par ailleurs, car les liens entre parents restent difficiles à créer à l’école anglaise.
Un grand merci à toutes les trois d’avoir bien voulu partager votre expérience ! Et bien sûr les commentaires sont là pour poursuivre la conversation de se poursuivre. J’essaierai par la suite de rassembler des témoignages de parents ayant choisi le Lycée français. (Contactez-moi si vous avez envie de participer.)
Quelques liens :
Le CNED, qui propose un programme adapté aux enfants français en école anglaise
Les petites écoles françaises du samedi (personnellement je trouve cela un peu lourd mais je connais des familles qui en sont très contentes)
L’OFSTED, organisme chargé de l’évaluation des écoles anglaises.
Mes autres billets sur le système scolaire anglais :
Les fameuses « assemblées » ou « assemblies »
L’absence d’équivalence stricte entre système anglais et français
Pas de notes ni de cahiers
Les inspections de l’OFSTED
Et quelques autres dans la catégorie Education…