A girl called Jack, un blog culinaire pas comme les autres

Avec ses recettes de plus en plus sophistiquées, les cours de photographie spécial cuisine, les innombrables photos de plats sur Instagram toutes plus glamour les unes que les autres, la blogosphère culinaire et les « foodistas » regorgent d’inventivité pour célébrer la nourriture érigée en oeuvre d’art.

A tel point qu’on en oublierait presque l’essentiel : se nourrir comme nécessité vitale et non comme hobby.

Jack Monroe, dans son blog a Girl called Jack, très bien écrit, est un rappel poignant du quotidien des familles démunies, ainsi qu’une formidable source d’inspiration. Je l’ai découvert très récemment et je suis enthousiasmée.

Jack Monroe

Cette jeune mère célibataire de Southend-on-Sea a connu une période d’extrême pauvreté (lire son magnifique billet Hunger Hurts), durant laquelle elle s’est mise à ajouter à son blog, jusque-là politique, des recettes basées sur un budget hebdomadaire de courses de 10 £ (environ 12 €) pour elle et son fils. Burgers de haricots rouges aux carottes et cumin pour 9p, risotto au Brie et au bacon pour 26p par portion, ses recettes sont des exploits d’économie et des réussites culinaires, saluées entre autres par le critique gastronomique Nigel Slater.

Aujourd’hui, elle est employée dans un magazine local et elle s’apprête à publier un livre de recettes frugales chez Penguin. En effet, le succès de son blog qu’elle décrit comme « bien plus qu’un blog culinaire » doit beaucoup à son écriture incisive, drôle et émouvante et à sa remarquable personnalité. Elle a même sa (modeste) page Wikipedia.

Célèbre aujourd’hui en tant que « blogueuse de l’austérité », elle utilise sa renommée pour élargir son combat contre la pauvreté. Elle est par exemple à l’origine d’une initiative en apparence anodine mais qui connait un grand succès en ce moment : #22mealsforacoffee.

Le principe est simple : pour le prix d’un latte chez Starbucks, vous achetez les ingrédients basiques d’une liste qu’elle propose sur son blog, destinés à composer 22 repas, et vous les apportez à une banque alimentaire près de chez vous. Elle est consciente que cela ne constitue pas une solution à long terme et qu’il faut que les politiques s’attaquent aux sources de la pauvreté, mais en attendant, il est tellement simple de faire un geste pour ceux qui en ont cruellement besoin. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, on peut aussi envoyer un don par sms.

Je conseille chaleureusement la lecture de son blog, et pour avoir une idée de son parcours, ce portrait et cette interview vidéo du Guardian : 

Un petit miracle (suite du post précédent)

D’abord, suite à mon post d’hier, j’ai reçu pas mal de témoignages intéressants dans les commentaires et ce message de Sarah, une Anglaise, que je reproduis ici. Elle nous explique qu’il faut peut-être avoir souffert ensemble (!) ou au moins vivre des choses fortes pour créer des amitiés. Logique, non ?

English people, even Londoners, complain about the fact that it’s difficult to get to know people and make friends in London. It’s something London is well-known for. When I came back from living abroad I had the same problem. Saying that, when I lived in Amsterdam I found the Dutch initially very distant. I only felt that I started integrating into society there when I joined local sports clubs (rowing and diving). It took a while but after months of training (suffering!!) together, sharing experiences and helping each other all barriers broke down. I also discovered that not making a big thing about being English (i.e. different) helped the process.
I do think sport (or any other hobby) is a good way of integrating. Because right from the start you have something in common. There are non-English people in my walking club here in London and as far as I can see they’re not treated any differently. In fact took a French friend along one day and she remarked afterwards that she felt that her nationality was of no importance whatsoever.
I’ve read blogs written by English people who have moved to France and the first thing they say is that it’s difficult to get to know and become accepted by the ‘natives’. Have you read the book ‘Almost French’ by Sarah Turnbull? She’s Australian and is married to a Parisian. She writes of her experiences of living in Paris and making huge (and largely unsuccessful) efforts to integrate into French life. It’s a very well-written book.
I think that in a big city, especially one as multi-cultural as London, people tend to stick to their own groups. Also I think that if you’re living abroad you need a different kind of friendship, where some people you meet become close friends very quickly as they become almost a substitute family. This expectation would tend not to work as easily with the natives of a country.
(sorry this is in English! It would have taken me all morning to have written it in French!)

Et que je vous traduis parce que je suis gentille :

Les Anglais, même les Londoniens, se plaignent de la difficulté à faire connaissance et se faire des amis à Londres. Londres est connue pour ça. Quand j’y suis revenue après avoir vécu à l’étranger j’ai eu le même problème. A vrai dire, quand je vivais à Amsterdam, j’ai d’abord trouvé les Hollandais très distants. J’ai  eu l’impression de commencer à m’intégrer socialement là-bas quand je me suis inscrite à des clubs de sport locaux (aviron et longée). cela a pris un moment mais après des mois d’entraînement (et de souffrance !!) ensemble, à vivre des expériences communes et à s’entraider, toutes les barrières sont tombées. J’ai aussi découvert que ne pas faire tout un plat d’être Anglaise (c’est-à-dire différente), aidait le processus.
Je pense sincèrement qu’un sport (ou n’importe quel loisir) est une bonne manière de s’intégrer. Parce que dès le début, on a quelque chose en commun. Il y a des gens qui ne sont pas Anglais dans mon club de randonnée ici à Londres et à ma connaissance, ils ne sont pas traités différemment. D’ailleurs j’ai amené un jour une amie française avec moi et elle m’a dit après coup qu’elle avait eu l’impression que sa nationalité n’avait aucune importance.

J’ai lu des blogs écrits par des Anglais installés en France et la première chose qu’ils disent, c’est qu’il est difficile de faire connaissance et d’être accepté par les « indigènes ». As-tu lu le livre « Almost French » de Sarah Turnbull ? Elle est Australienne, mariée à un Parisien. Elle relate sa vie à Paris et ses efforts, énormes, mais souvent vains, pour s’intégrer dans la vie française. C’est un livre très bien écrit. Je pense que dans une grande ville, en particulier une ville aussi multi-culturelle que Londres, les gens ont tendance à rester dans leur propre groupe. D’autre part, je pense que quand tu vis à l’étranger, tu as besoin d’un genre d’amitié un peu différent, dans laquelle certaines personnes que tu rencontres peuvent devenir très rapidement des amis proches, qui vont vite former une quasi- famille de substitution. Cette attente que l’on peut avoir est forcément plus difficile à réaliser avec les habitants du pays.

Merci Sarah pour ce témoignage passionnant !

Petit update après mon post précédent:

Hier, il s’est produit un miracle ! J’accompagnais une mini-sortie scolaire (à 50m de l’école, sortie d’1h30 ou comment se faire bien voir de la maîtresse sans perdre une journée entière.) Nous étions en train de regarder les fourmis et les vers de terre dans les « allotments », jardins potagers qui bordent l’école quand il s’est mis à pleuvoir si fort que la sortie, déjà mini, donc, a dû être carrément  interrompue.

Les gentilles mamans accompagnatrices se sont donc retrouvées toutes bêtes, avec une heure et quart à tuer avant la sortie de l’école, sous la pluie. Et là, alors que je m’apprêtais à rentrer chez moi sans enthousiasme pour travailler une demi-heure et ressortir, ce qui n’aurait pas été d’une efficacité folle, coup de théâtre, Sam, l’une des gentilles mamans accompagnatrices m’a proposé d’aller au pub avec elle ! Incredible !

Certes, je me suis ridiculisée en commandant une demi-pinte de Strongbow pour me rendre compte au bout de quelques secondes que ce n’était pas du cidre comme le Strongbow de certains pubs,  mais de la bière. Et malgré mon envie d’être polie avec ma « nouvelle amie » qui m’avait offert ce verre, la bière ce n’est vraiment pas mon truc, j’ai donc dû l’abandonner et recommander un cidre, Aspall cette fois si vous voulez tout savoir.

Et c’était super sympa. Nous avons parlé de vrais sujets, pas seulement de la pluie et du beau temps et elle m’a même proposé de renouveler l’expérience ! Cette fois, promis, je ne laisserai pas le temps passer…

Entente cordiale

Bien sûr, en partant vivre à l’étranger, on se dit qu’on ne fréquentera surtout pas les Français. Ah non alors, moi je veux de l’authentique, du bon British qui va au pub en costume trois pièces en sortant du boulot, de l’Anglaise qui met des shorts en plein hiver, un peu de couleur locale, quoi !

Et puis finalement, après avoir lamentablement échoué à me faire des amis anglais (moi qui suis d’habitude assez sociable, j’avoue que là je me heurte à un mur, un mur très poli mais un mur tout de même), après avoir communiqué chaleureusement mais de façon limitée avec d’autres étrangères qui ne parlent pas toujours bien anglais, j’ai fini par réaliser que je n’avais à Londres que des copines françaises. Que ce soit à l’apéro-blog, à l’école ou des copains de copains… que des Français. Tout au plus quelques couples mixtes pour sauver l’honneur, et des Belges, Marocains et Tunisiens, francophones, donc.

Ne croyez pas que je suis restée dans mon coin. Nous avons invité des enfants à la maison, pris le thé avec les parents, polis mais sans plus. Nous avons participé au quiz-night de l’école, super sympa, on fait connaissance, on boit, on rigole ensemble, on se passionne pour le jeu, on a l’impression de s’être fait des amis, et patatras le lendemain matin,  on se prend de nouveau un mur en pleine figure quand on essaie de dire bonjour à nos « nouveaux amis ».

Le boulot n’aide pas énormément. De mon côté je travaille uniquement avec la France (et surtout toute seule d’ailleurs) et Antoine a principalement des Français dans son équipe, ainsi que des Indiens. (Oui, il est dans l’informatique). Il a tout de même un copain écossais avec qui il est allé faire de l’avion quelques fois.

Il y a sûrement aussi de notre faute. Avec un emploi du temps surchargé, beaucoup de week-ends pris par des visites de France, on n’est peut-être pas assez investis dans la vie du quartier ou de l’école. Lors de notre emménagement, notre voisine américaine nous avait apporté des cupcakes pour nous souhaiter la bienvenue et à ma grande honte, je ne les ai jamais invités chez nous. J’ai laissé passer le moment et ensuite c’était trop tard.

Donc voilà, les Anglais ne sont pas faciles d’accès mais nous n’avons sans doute pas fait assez d’efforts.

Malgré tout, je me réjouis d’être invitée demain matin à un café chez une Anglaise ! (On ne tiendra pas compte du fait qu’elle est en couple avec un Français 🙂 Et en plus c’est pour une bonne cause :le Macmillan coffee morning, une manifestation destinée à collecter des fonds pour l’association Macmillan Cancer support, qui fournit soins, écoute,  soutien financier etc… aux personnes atteintes d’un cancer et à leur famille. L’année dernière, 10 millions de £ ont été collectés ! Si un coup de foudre amical se produit à cette occasion, je ne manquerai pas de vous le faire savoir !

Loin de Londres

Loin du blog et loin de Londres ces derniers temps… La semaine dernière, je n’ai pas eu envie de parler de choses futiles au moment des émeutes mais je n’étais pas sur place non plus pour témoigner.

Antoine, rentré avant moi à Ealing a vu un supermarché incendié près de chez nous et des vitrines cassées mais il n’y a pas eu trop de dégâts dans notre quartier contrairement à d’autres. Un commerçant lui a raconté qu’il s’était battu pendant plus d’une demi-heure contre des casseurs armés de battes de base-ball, pour défendre son magasin…

la supérette incendiée près de chez nous
Au soir du mardi 9 août, les magasins se préparaient à d'autres violences, qui finalement n'ont pas eu lieu

Un bel élan de solidarité a immédiatement répondu à la vague de violence, les volontaires se sont rassemblés pour nettoyer les rues, les voisins se sont cotisés pour venir en aide à ceux qui ont tout perdu dans les incendies. Les balais sont devenus un symbole de résistance aux émeutes.

Volontaires à Clapham Junction levant leurs balais en signe de solidarité. Photo @Lawcol888

Si ce déferlement de violence nous a choqués, d’autant qu’il ne s’agissait même pas de débordements en marge de manifestation mais bien de pillage en bandes, il ne nous a pas surpris outre mesure, car le climat social est extrêmement tendu depuis quelques mois en Angleterre. Dans cette société où les inégalités sont plus fortes qu’en France et la protection sociale moindre, les coupes budgétaires drastiques ont eu sur certaines personnes un effet dévastateur.

Certains politiciens (Duncan Smith) déclarent qu’ils doivent prendre leur part de responsabilité et que les récents scandales (écoutes téléphoniques, primes indécentes des traders dans une société en souffrance) ne peuvent être un bon exemple pour les citoyens.

David Cameron parle ce matin (lundi 15 août) de l’effondrement des valeurs morales dans la société britannique, ce à quoi le travailliste Ed Miliband rétorque que la culture n’est pas la seule explication à un comportement antisocial . « La culture et la pauvreté comptent à part égale. Expliquer n’est pas excuser. Mais refuser d’expliquer, c’est se condamner à ce que les événements se répèrtent. » (source, The Guardian, lundi 15 août 2011, Allegra Stratton et Andrew Sparrow)

Un éditorial intéressant de Nick Robinson ici.